Parmi les arts populaires, la peinture paysanne tient une place non négligeable en Alsace. Cette tradition qui apportait un aspect décoratif aux meubles ou objets usuels, nous rappelle que le plaisir de décorer nos intérieurs ne date pas d’aujourd’hui.
Le bois peint dénommé aussi peinture polychrome est une technique que l’on retrouve dans pratiquement toutes les régions montagneuses d’Europe. En effet, les forêts de sapins, pins, mélèzes et hêtres fournissaient aux paysans, dès le Moyen-âge, une matière première bon marché pour fabriquer leur mobilier. Ils eurent ensuite l’idée de recouvrir la pauvreté de ces essences de bois en les peignant. A la faveur d’hivers longs et rigoureux, les paysans eurent le temps de réparer ou fabriquer des outils agricoles qui étaient ensuite peints. On peignait également des objets domestiques tels que boîtes ovales ou rectangulaires en hêtre, des « coffrets de courtoisie » pour y ranger bonnets, rubans, bijoux et autres petites choses. Ces petits objets usuels de différentes tailles étaient décorés de motifs floraux aux couleurs vives.
Le mobilier était constitué de coffres, lits et armoires et si certains paysans perpétuaient la tradition de peindre eux-mêmes leurs meubles, au fil du temps et de l’évolution de la technique, l’art de peindre fut de plus en plus l’affaire des menuisiers qui fabriquaient ce mobilier. Ces meubles peints se transmettaient dans les familles à l’occasion d’un mariage, ils constituaient la dot de la jeune fille, on y apposait ses initiales ou le nom des époux et la date du mariage, quelquefois les références d’un psaume.
Inscription en dialecte alsacien sur un coffre peint (Musée historique de Mulhouse) © French Moments
A la naissance d’une petite fille, en prévision de sa dot future, une magnifique coutume alsacienne consistait à abattre un arbre, le débiter en planches mises à sécher jusqu’aux fiançailles de la petite.
Jusqu’au 17ème siècle, les meubles étaient simplement badigeonnés de teinture pour estomper le blanc du bois et faire ressortir ses veinures. Pour faire la couleur, on utilisait des produits du quotidien tels que le brou de noix (brun), du sang de bœuf dilué (rouge) que l’on appliquait avec un chiffon en essuyant le trop plein de couleur. Puis au 17ème siècle, avec l’introduction du noir de suie dilué avec du vinaigre, une base de trois couleurs permit de faire des fonds rouges avec le sang de bœuf dilué, puis de tracer sur ce décor des encadrements bruns au brou de noix dans lesquels seront dessinés des motifs peints à main levée ou au pochoir.
Au 18ème siècle d’autres couleurs vont s’ajouter à la palette. Pour fixer ces différentes couleurs ou obtenir des effets tels que pommelages, veinures ou marbrures, les peintres utilisaient du petit lait, une colle à base de farine de froment, puis plus tard, la pomme de terre.
En ce qui concerne les motifs peints, qu’ils soient géométriques ou d’inspiration végétale, tous comportent une symbolique particulière :
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Le losange est le symbole féminin de la fertilité et de la prospérité.
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L’étoile à cinq branches dite « pentacle » mélange du chiffre trois, masculin et du chiffre deux, féminin est le symbole du mariage et du bonheur conjugal, on lui attribuait également le pouvoir de conjurer les forces maléfiques.
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L’étoiles à six branches dite aussi « étoile de David », formée de deux triangles équilatéraux, représente l’équilibre cosmique.
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Le huit couché est le symbole de la longévité.
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Le cœur, composé de deux parties symétriques représente l’unité et l’harmonie, l’affection et l’amour.
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L’arbre de vie symbolise les forces vives et créatrices de la nature, la croissance et la vie. Il peut être assimilé à un porte bonheur.
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La rose symbolise l’épanouissement de l’âme et de l’amour. Nous la retrouvons souvent formées de cinq pétales représentants les cinq plaies de Christ.
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La tulipe de par sa forme de calice est toute désignée pour symboliser recevoir les dons que Dieu distribue.
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La fleur de lys est l’emblème royal, il symbolise également la pureté
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Parmi les fruits, le raisin souvent représenté est un rappel du sang de Christ.
Nous pouvons aujourd’hui admirer quelques coffres de mariage, armoires ou autres bonnetières datant de plusieurs siècles, tous rescapés de l’indifférence que rencontra la peinture paysanne au cours du 20ème siècle, dans différents musées d’Alsace, notamment à Altkirch, Strasbourg, Obernai, ou encore Colmar.
Lors de notre cours intensif en France en septembre-octobre 2012 en Alsace, nos étudiants auront l’occasion de s’initier à l’art de la peinture sur bois paysanne lors d’un atelier « peinture sur bois ». Voici quelques créations de Marie-Christine qui nous aidera à composer un motif coloré sur bois :
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