La deuxième matinée de notre cours intensif de français à Noosa a été consacrée à la découverte du littoral français, et notamment à son urbanisation parfois décriée.
Jusqu’au XVIIIème siècle, le littoral est exclusivement un espace de travail, dédié à la pêche. Les plages n’attirent pas les touristes, et sont plutôt vues par les contemporains comme un espace dangereux. Pourtant, cette vision se modifie lorsque certains médecins, notamment français et anglais, démontrent les bienfaits de l’air marin et des bains de mer.
En France, les bains de mer sont recommandés dès 1769, pour lutter contre les rhumatismes notamment. Les sanatoriums sont donc les premières constructions développant l’attractivité du littoral. À ce mouvement s’ajoute celui des artistes, qui montrent, principalement au travers du courant romantique, ce qu’il y a de beau dans l’océan. La mode des « bains de mer » est ainsi lancée, et a été développée par la suite par des initiatives commerciales. Pensons à celles des frères Péreire, propriétaires de la ligne de chemin de fer La ligne du Midi, qui ont créé de toutes pièces la station balnéaire d’Arcachon. Certaines viles sont aussi devenues célèbres par des effets de mode, suivant les impulsions des personnalités de la Haute Aristocratie ou des artistes. Ainsi, Biarritz a été rendue célèbre grâce à l’impératrice Eugénie, qui s’y rendait régulièrement entre 1853 et 1868. Saint-Tropez a été découverte notamment par Matisse.
La première urbanisation, du Second Empire à la Première Guerre Mondiale
Lors de son règne, Napoléon III fait le choix d’une politique de développement et de valorisation du littoral français, qui est jusqu’à cette époque un espace sauvage, vecteur de maladies telles que le paludisme. Les littoraux sont donc assainis : les marais sont asséchés, les dunes sont « fixées » par l’implantation d’herbes hautes et un travail est fait sur les embouchures des fleuves, pour que celles-ci cessent de se déplacer. De plus, le développement du réseau de chemin de fer est un véritable moteur pour les stations balnéaires. En réduisant considérablement les temps de transport, le train connecte ces stations au reste de la France. Cependant, pour des raisons techniques, les gares sont toujours situées en retrait par rapport au centre de la ville. L’urbanisation des stations balnéaires se fait donc autour de deux axes : la gare, lieu de départ et d’arrivée, et le centre, avec la plupart du temps un hôtel et un casino, voire une station thermale.
De nombreux artistes ont cherché à retranscrire l’ambiance si particulière des villes balnéaires à la Belle Époque. Marcel Proust par exemple évoque dans plusieurs de ses livres, et notamment A la Recherche du Temps Perdu, la station balnéaire de Balbec, une ville imaginaire de Normandie, inspirée par la station de Cabourg, où l’auteur a séjourné plusieurs fois. Le narrateur y séjourne enfant avec sa grand-mère. Étant fragile, son médecin lui a conseillé d’aller prendre des bains de mer. Le narrateur découvre alors le bord de mer, la vie mondaine de ces stations fréquentées par la haute société, ainsi que les bienfaits de l’air marin.
En peinture, les stations balnéaires normandes ont influencé les peintres du mouvement impressionniste. Deauville ou Honfleur font partie de ces villes où est né le courant impressionniste.
Après la guerre, la modernisation des stations balnéaires
Dans la période d’après-guerre, la plupart des villes de France mettent en place de grands programmes de reconstruction. Avec les congés payés, il s’agit donc de construire vite pour loger beaucoup de monde. Pourtant, malgré un cahier des charges contraignant, les architectes vont proposer des projets surprenants et innovants, comme par exemple celui de Jean Balladur pour la Grande Motte en 1964. Aujourd’hui, la plupart des stations balnéaires sont donc extrêmement construites, avec un littoral bétonné.
Cependant, depuis 1986, la Loi Littoral protège les côtes françaises. Le texte définit trois zones.
La première zone correspond aux espaces déjà urbanisés. Il est possible d’y construire de nouveaux bâtiments, dans la continuité de ceux déjà installés ou dans un nouveau hameau qui s’intègre à l’environnement.
La deuxième zone s’étend sur 100 mètres à partir du littoral. Dans cette zone (souvent élargie par des décisions de la Justice dans le cas de litiges quant aux permis de construire sur le littoral), il est interdit de construire de nouveaux logements. Les personnes propriétaires de maisons déjà construites dans cet espace ont uniquement l’autorisation de rénover leur maison, et doivent laisser un espace de 3 mètres entre leur terrain et la mer, afin de permettre le passage des piétons.
La troisième zone enfin définit certains espaces considérés comme des espaces remarquables qui sont alors protégés et déclarés inconstructibles. Cette décision tend à protéger quelque peu un littoral qui souffre de son trop grand succès. La population atteint 13 millions de résidents à cette période, soit deux à trois fois plus que la population locale le reste de l’année ! Les activités en bord de mer sont nombreuses et adaptées aux goûts de chacun et c’est ce qui fait des stations balnéaires des destinations privilégiées pour les vacances. Certains choisissent de bronzer et se baigner toute la journée, d’autres préfèrent découvrir la large variété de sports aquatiques (surf, voile, jet-ski, kitesurf, canoë-kayak…) ou explorer le littoral, à pied, à vélo ou à cheval. Les stations balnéaires diversifient leur offre pour attirer toujours plus de touristes, recréant parfois bien involontairement, l’ambiance des grandes villes surpeuplées que ces mêmes touristes cherchaient au départ à éviter…