On vous dit (presque) tout sur le tunnel sous la Manche

Pour notre première semaine du 4e trimestre, nos groupes de conversation française ont eu la joie de se creuser les méninges sur le tunnel sous la Manche. On le prend un peu pour acquis aujourd’hui, mais ce formidable ouvrage a révolutionné les transports entre le continent européen et la Grande Bretagne depuis son ouverture dans les années 90. Voici donc le texte intégral que nos étudiants ont lu avant de venir en cours.

Depuis le 6 mai 1994, le tunnel sous la Manche est un tunnel de 50,5 km reliant Folkestone au Royaume-Uni et Calais dans le nord de la France. Il est composé de deux tubes parcourus par des trains et, entre eux, d’un tube de service plus petit. Depuis son inauguration, il est exploité par la société franco-britannique Eurotunnel.

Le tunnel sous la Manche dans le Pas-de-Calais

Des trains adaptés au transport des véhicules (voitures, camions et cars) permettent la traversée du tunnel en 35 minutes. Ce service de navette est géré par Eurotunnel. De plus, les trains rapides Eurostar, de type TGV, assurent le transport des passagers en reliant Londres à Paris et Bruxelles.

Le Pas de Calais

Si vous vous tenez en haut de la falaise du Cap Gris-Nez, entre Calais et Boulogne-sur-Mer, vous apercevrez l’Angleterre de l’autre côté du bras de mer que les Français appellent « Pas de Calais » (et certainement pas « Détroit de Douvres » !). Dans sa plus petite largeur, le Pas de Calais mesure 33,3 km. Il sépare la Manche de la Mer du Nord et l’effet de « goulot d’étranglement » entre les deux mers génère des courants marins parmi les plus rapides au monde. Le détroit enregistre une   intense circulation maritime (800 navires par jour) qui est une des plus importantes du monde. Il n’est donc pas surprenant que depuis des siècles, on eut rêvé de creuser un tunnel ou de construire un pont reliant l’Angleterre et la France.

Des premiers projets du tunnel à l’inauguration de 1994

Dans la bande dessinée « Astérix chez les Bretons », Uderzo et Goscinny rapporte de manière humoristique ce qui est peut-être la première allusion au tunnel sous la Manche lorsque Astérix, Obélix et Jolitorax débarquent sous la pluie dans les environs de Douvres:

Mention humoristique du tunnel dans « Astérix chez les Bretons » © Uderzo-Goscinny

A l’époque de la rédaction de la B.D. (1966), le tunnel n’existait pas encore (et d’ailleurs, on était encore loin d’un accord sur sa construction). Toutefois, on avait déjà commencé à le creuser des deux côtés – mais sur une très courte distance.

Il y a plus de 200 ans, en 1801, un ingénieur français a conçu le projet de lien fixe entre l’Angleterre et le continent, en proposant un tunnel de deux galeries superposées. La première devait être pavée et éclairée et permettre la circulation des carrosses et la seconde devait servir à l’écoulement des eaux d’infiltration. Au milieu de l’ouvrage, on imaginait une île artificielle servant de halte aux voyageurs. Ce projet-fou n’a pas été pris au sérieux notamment à cause des guerres napoléoniennes.

Deux années plus tard, en 1803, un Anglais propose l’immersion d’un tube métallique dans un fossé creusé au fond du détroit. Cependant si cette solution évitait le problème du relief accidenté du fond de la Manche, des problèmes comme la pression à cette profondeur ont bloqué cette proposition.

À partir de 1833, l’ingénieur français Aimé Thomé de Gamond étudie les possibilités de lien fixe et propose de creuser un tunnel ferroviaire. En 1867, ce projet est accepté par Napoléon III et la reine Victoria. Toutefois, le déclenchement de la guerre Franco-Prussienne en 1870 a mis un terme au projet.

Par la suite, on a imaginé d’autres projets de lien fixe entre les deux pays, notamment l’utilisation d’une locomotive sous-marine (1869) ou la construction dun « pont-tube » (1875).

Depuis 1863, Londres possède le réseau de métro le plus vieux au monde. Son développement a inspiré plusieurs ingénieurs à envisager sérieusement la construction d’un tunnel sous la Manche. En 1874, une concession de 99 ans pour un tunnel ferroviaire est confiée à deux sociétés (Association française du tunnel sous-marin entre la France et l’Angleterre du côté français et The Submarine Continental Railway Company du côté britannique).

On pensait que le tracé, décidé à partir des travaux d’Aimé Thomé de Gamond, aurait été creusé en cinq ans. Les travaux ont commencé avec le forage de puits en France (à Sangatte) et en Angleterre (à Shakespeare Cliff). Toutefois, la perspective d’un lien fixe entre la Grande-Bretagne et le continent n’était pas du goût de plusieurs, surtout du côté anglais et la Grande dépression aura raison de ce projet. En 1883, les travaux ont été abandonnés, après que 3 km de galeries aient été creusés.

Gravure ancienne du projet de tunnel sous la Manche (19e s)

Les deux guerres mondiales ont renforcé l’opposition à la construction d’un lien fixe, mais le développement de l’aviation a grandement limité l’insularité sur laquelle se retranchaient les Britanniques.

Avec la création de la CEE en 1957, suivi de l’entrée du Royaume-Uni dans l’organisation en 1972, le projet de lien fixe a été sérieusement relancé.

Le 26 juillet 1957, le Groupement d’études pour le tunnel sous la Manche (GETM) a été créé et les ingénieurs ont proposé la construction d’un tunnel ferroviaire double. L’appel d’offre lancé en 1967 par les deux gouvernements a été remporté en 1971 par Le Groupe du Tunnel sous la Manche composé de la Société française du Tunnel sous la Manche et de The British Channel Tunnel Company. Le projet retenu était celui de deux tunnels ferroviaires entourant une galerie de service. Les travaux ont commencé en 1973, mais la Grande- Bretagne, plongée dans une crise économique et pour éviter une opinion défavorable, a dû abandonner une fois de plus le projet le 20 janvier 1975.

Il a fallu attendre le sommet franco- britannique des 10 et 11 septembre 1981 pour que le projet soit remis sur les rails. Un nouveau groupe d’experts s’est prononcé à nouveau sur un double tunnel ferroviaire. Le projet est définitivement entériné le 20 janvier 1986 par le premier ministre britannique Margaret Thatcher et le président français François Mitterrand. Les travaux ont commencé le 15 septembre 1987 et se sont achevés le 10 décembre 1993. La jonction du premier tunnel de service a eu lieu le 1er décembre 1990.

L’inauguration officielle du tunnel par la reine Elizabeth II et le président François Mitterrand a lieu le 6 mai 1994.

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