Quel lien unit Rabelais, Perrault, Fouquet, Lully, Colbert, Robespierre, Danton et l’Homme au Masque de Fer ? Contre toute attente, il s’agit du lieu où ils reposent en paix : les Catacombes de Paris !
Enfin, plus ou moins car personne ne saurait dire quels ossements appartiennent à qui… car ce sont pas moins de 6 millions de Parisiens dont les os et les crânes ont été entreposés dans les anciennes carrières de Paris. Bien malin serait celui qui pourrait retrouver les traces des célébrités historiques dans cet immense amas de millions d’ossements…
Les ossements des Catacombes de Paris. Un peu glauque mais à la longue, on s’habitue… © French Moments
Dernièrement j’ai eu l’opportunité (la chance ?) de visiter ce lieu insolite par un soir d’octobre. Mon but était d’éviter les files d’attente qui sont réputées être très longues car le site est limité à 200 visiteurs. Venir un jeudi soir une heure et demie avant la fermeture était un très bon plan : il n’y avait personne !
Une fois passé la caisse dans le pavilion vert-foncé aux allures de Belle Époque, la visite a commencé par une descente de 130 marches par un escalier à vis. 20 mètres plus bas, une longue marche de 1,5 km m’attendait dans les couloirs étroits menants aux anciennes carrières de Paris.
Ambiance frisson garantie ! Déambuler dans ces couloirs seul le soir, avec pour seul bruit celui de mes pas, est une expérience assez unique et dépaysante. Il est étrange de penser que 20 mètres plus haut, à la surface du sol, la vie parisienne suive son cours le long des rues résidentielles et des boulevards haussmanniens.
Quelques sites intéressants ponctuaient la déambulation dans les carrières, rompant la monotonie des couloirs creusés dans la roche. On y découvre la maquette de la forteresse de Port-Mahon créée par un inspecteur des carrières avant que le site ne devienne celui de l’ossuaire (1777-1782).
La maquette de la forteresse de Port-Mahon © French Moments
Un peu plus loin se trouve le puits au nom évocateur de ‘Bain de pieds des carriers’. Son eau bleu-vert est d’une pureté incroyable.
Le ‘Bain de pieds des carriers’ © French Moments
Puis le passage prend légèrement de la hauteur en passant par un site monumental : ‘Les doubles Carrières’, juste avant l’arrivée au site de l’ossuaire proprement dit.
L’entrée des catacombes est marquée par deux piliers noirs décorés de motifs géométriques blancs. Le linteau du portail en pierre porte l’inscription en alexandrin du poète Jacques Delille : « Arrête ! C’est ici l’empire de la Mort ! ».
Qu’est-ce que je fais ? J’entre ? Je n’entre pas ? Mon excitation était palpable car j’allais enfin découvrir un site hors du commun à Paris.
Une fois la porte franchie, le spectacle était à la fois saisissant et déroutant. Sur une longueur de 800 mètres et une surface de 11000m2, les cavernes et couloirs contiennent en effet des millions d’ossements et de crânes de Parisiens soigneusement disposés le long des parois.
Puisque les ossements proviennent de plusieurs cimetières et églises de Paris, il ne fait aucun doute qu’il s’y trouve les restes d’hommes illustres de la France :
– les écrivains François Rabelais (1483/1494-1553), Jean de La Fontaine (1621-1698) et Charles Perrault (1628-1703),
– le sculpteur François Girardon (1628-1715),
– le peintre Simon Vouet (1590-1649),
– les architectes Salomon de Brosse (1571-1626), Claude Perrault (1613-1688) et Jules Hardouin-Mansart (1646-1708),
– le compositeur Jean-Baptiste Lully (1632-1687),
– les hommes d’état Nicolas Fouquet (1615-1680), Jean-Baptiste Colbert (1619-1683),
– et l’Homme au Masque de Fer (m. 1703).
Ceux qui sont morts pendant les troubles de la Révolution française ont été enterrés dans les Catacombes dont les membres de la Garde Suisse tués lors de la Prise du Palais des Tuileries (10 août 1792) et les victimes des massacres de septembre 1792. Les restes des guillotinés ont été transférés dans les Catacombes : Lavoisier (1743-1794), Madame Elisabeth (1764-1794), Danton (1759-1794) et Robespierre (1758-1794).
Le cimetière des Innocents était situé près des Halles au cœur de Paris. Complètement saturé, ses morts ont été transférés aux Catacombes de nuit. Deux années ont été nécessaires pour vider le cimetière qui n’existe plus aujourd’hui. © French Moments
Une série de maximes, poèmes et de textes profanes ou bibliques en français et en latin interpellent les visiteurs sur la mort. Mon préféré était un verset biblique :
« Mihi… mori lucrum » (Pour moi la mort est un gain) – Philippiens 1:21
Un petit groupe de trois Italiens déambulait en même temps que moi dans ces couloirs de la Mort glissant ici et là des « oh » et des « ah » voire des petits cris d’effrois. Mais nous nous sommes habitués à la vue de ce spectacle lugubre. D’ailleurs au bout de quelques instants, ils n’avaient plus peur et se permettaient de toucher un tibia et un crâne (contre le règlement du site).
La visite s’est terminée par l’ascension de 83 marches. L’issue débouche à 700 mètres au sud-ouest de l’entrée, sur la rue Rémy Dumoncel. Mais avant de retrouver l’air libre, il fallait ‘montrer patte blanche’ pour une vérification des sacs. En effet le vol d’ossements est passible d’un an de prison par la loi française !
La sortie des Catacombes de Paris se fait discrète ! © French Moments
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