Après avoir décrit le quartier de la cathédrale dans un bulletin précédent, nous poursuivons la visite de la vieille ville de Strasbourg et de son atmosphère par la découverte des quartiers de l’ancienne douane, du quai Saint Nicolas et de la Petite-France.
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Le Pont du corbeau, l’ancienne boucherie et l’ancienne douane
Ce n’est qu’en 1890 que la structure du pont du corbeau en grès rose et en pierre de taille prit son aspect actuel. Dès le 12e siècle, le pont est connu sous un nom sinistre : le Schindbrücke (pont aux supplices). C’est à cet endroit de la ville que sont organisées les exécutions publiques des voleurs, maraudeurs, des infanticides et des parricides qui sont jetés dans l’Ill dans des sacs noués.
Des cages en métal furent placées à chaque extrémité du pont pour y exposer publiquement les « petits malfrats », c’est-à-dire les petits délinquants de l’époque : un tavernier coupant son vin, un boulanger trichant sur le poids de ses pains, etc.
Le pont offre une belle vue sur la cathédrale à distance et, aux bords des quais de l’Ill, sur l’Ancienne Boucherie. L’édifice en forme de « U » et à l’architecture sobre, fut construit en 1587. Il abrite depuis 1920 le musée historique de la ville. En 2007, le musée a rouvert ses portes après 20 ans de fermeture pour travaux. Le musée a pour mission de présenter l’histoire urbaine de la ville : politique, économique, sociale et culturelle, à travers une collection d’objets civils et militaires, de vêtements, de peintures, de dessins, de sculptures du Moyen-âge au 18e siècle.
Riche de 200,000 objets, le musée n’expose que 1650 d’entre eux à ses visiteurs. Il est à noter pour les amateurs de maquettes le remarquable plan en relief datant de 1725 représentant la ville et sa campagne à l’échelle 1/600e sur une surface de près de 80m2.
Des travaux supplémentaires sont en cours afin de permettre l’exposition de l’histoire de la ville du 19e siècle à nos jours.
L’Ancienne Boucherie, musée historique de Strasbourg et la flèche de la cathédrale à l’arrière-plan © French Moments
Derrière le bâtiment, la Place du Marché-aux-Cochons-de-Lait et la Rue du Maroquin, en direction de la cathédrale, sont bordées de plusieurs restaurants et winstubs et sont particulièrement animées. Les maisons à colombages sont ici aussi superbes de par leur taille et leurs galeries de bois et contribuent à donner au quartier un aspect « carte postale ».
La plupart sont à pans de bois et à oriels en bois ou en pierre des 16e et 17e siècles. La « Maison au cochon de lait » remarquable avec sa double galerie de balustres en bois et ses fenêtres sculptées porte les dates de 1477 et 1613. Elle est surmontée d’une curieuse girouette représentant le sabot de l’empereur Sigismond. La petite histoire raconte que l’empereur du Saint Empire, en visite à Strasbourg en 1414, était si pressé d’arriver au bal, qu’il aurait couru pieds nus oubliant ses bottes. Les aimables Strasbourgeoises, s’étant aperçu de l’incident, se seraient empressées de chausser l’empereur à cet emplacement.
En face du musée, toujours le long de l’Ill se trouve l’Ancienne Douane, édifice datant de 1358. Voulue par la Corporation des bateliers, l’affectation de l’ancienne douane se résumait à contrôler, à taxer et stocker les marchandises (vin, tabac et poisson) transitant le long du Rhin. La prospérité de Strasbourg au Moyen-âge reposait en grande partie sur sa position privilégiée au centre de la région du Rhin Supérieur, entre Bâle et Mayence.
Détruite pendant la Seconde Guerre mondiale, l’entrepôt de commerce fluvial fut reconstruit après la guerre et abrite aujourd’hui une brasserie traditionnelle et une galerie d’exposition temporaire.
De l’autre côté du pont, en direction de la rue piétonne d’Austerlitz et du Quai St Nicolas, se trouve une remarquable cour intérieure pavée et arborée portant le même nom que le pont voisin. La Cour du corbeau et son édifice sont un magnifique exemple de la Renaissance strasbourgeoise avec ses colombages, balustrades et poutres richement décorés. L’hôtel particulier fut construit à partir 1528 et reçu plusieurs personnalités célèbres tels le roi de Pologne Jean-Casimir, le roi Frédéric II de Prusse, l’empereur Joseph II d’Autriche ou encore l’écrivain Gérard de Nerval.
Depuis le 1er mai 2009, l’ensemble abrite un hôtel quatre étoiles, après une restauration nécessaire et réussie qui a su mettre en valeur les richesses architecturales de l’ancienne auberge.
Le Quai Saint-Nicolas et le Musée Alsacien
De l’autre côté de la rivière et en direction de la Petite France, le Quai Saint Nicolas a gardé le souvenir des séchoirs et possède les plus belles maisons à colombages de la ville, construites au bord de l’Ill dans un cadre pittoresque.
Le quartier comprend le Musée Alsacien, accueillant 60 à 70000 visiteurs par an. Ce musée d’arts et de traditions populaires est réparti sur plusieurs demeures strasbourgeoises du 17e siècle qui sont reliées entre elles par des escaliers et des coursives en bois. Il présente des milliers d’objets témoins de la vie rurale en Alsace aux 18e et 19e siècles : costumes, meubles, céramiques, jouets, imagerie religieuse et profane, à travers des reconstitutions d’intérieurs caractéristiques de différents « pays » d’Alsace (plaine agricole, vignoble, montagne vosgienne) et d’ateliers d’artisans.
Le quartier de la Petite France
Il s’agit peut-être du quartier le plus romantique de Strasbourg, surtout à la tombée du jour. La Petite France était le coin des pécheurs, des tanneurs et des meuniers. Au 16e siècle, un hôpital y fut installé pour les soldats du Roi de France François 1er. A cette époque, Strasbourg était encore une ville libre du Saint-Empire, et beaucoup de soldats du roi François 1er étaient atteints de maladies vénériennes, contractées pendant les guerres d’Italie. Cette maladie, fut connue localement comme « le mal français » par la population strasbourgeoise persuadée de la responsabilité de la France. Le Grand Magistrat de la ville décida d’isoler les malades dans un bâtiment situé dans le quartier des tanneurs. L’expression « Petite-France » créée par les habitants pour désigner l’hôpital s’est appliquée, au fil du temps, à tout le quartier.
Il faut prendre le temps de flâner le long des berges du canal de navigation et d’apprécier les reflets dans l’eau des maisons à colombages. Les jolies maisons médiévales du quartier datent des 16e et 17e siècles, et leurs colombages sont magnifiquement ornés. Leurs toits pentus sont ouverts sur des greniers où séchaient autrefois les peaux.
La Maison des Tanneurs est une de ces maisons romantiquement bâtie au bord de l’eau. Elle fut l’ancien siège de la guilde des Tanneurs de la ville et abrite aujourd’hui un restaurant.
On peut aussi citer la fameuse Maison Haderer, autre bel exemple de l’architecture Renaissance rhénane.
Pour mieux apprécier les belles maisons à colombages, il est conseillé de marcher le long de la rue du Bain-aux-Plantes en direction des Ponts Couverts.
L’église Saint-Thomas, principale église protestante de la cité, est située à l’extrémité Est du quartier. Elle remonte à la fin du 12e siècle et est consacrée au culte protestant depuis 1529. Elle est facilement reconnaissable grâce à ses deux clochers romans massifs, l’un carré au-dessus de l’entrée principale et l’autre, à la croisée du transept, hexagonale.
Saint-Thomas est une église-halle de style gothique tardif : ses cinq nefs sont de largeur et de hauteur égales. Cette conception était très fréquente en Rhénanie, en Lorraine et en Hollande au 16e siècle.
Le monument le plus célèbre à l’intérieur de l’église est l’imposant mausolée du maréchal de Saxe, entièrement sculpté en marbre blanc par Jean-Baptiste Pigalle en 1776. De style baroque tardif, il est conçu comme une véritable mise en scène théâtrale. Le maréchal apparait debout, entouré d’animaux symbolisant les nations qu’il a conquises au cours de sa carrière militaire au service de Louis XV.
L’orgue Silbermann de l’église (1741) est réputé pour la beauté de sa sonorité. Mozart lui-même, de passage à Strasbourg en 1778, reconnut son extraordinaire son et le Prix Nobel Albert Schweitzer y jouait fréquemment lors de ses séjours à Strasbourg.
A l’extrémité du quartier de la Petite France, les Ponts Couverts représentent une autre image de carte postale chère à Strasbourg. Cette enfilade de trois ponts enjambant les bras de l’Ill sont dominés par trois tours du 14e siècle, vestiges des anciens remparts médiévaux qui en comptaient alors 90. Les ponts eux-mêmes étaient autrefois coiffés d’une toiture en bois. Malgré sa disparition au 18e siècle, les Strasbourgeois les appellent toujours « ponts couverts ».
Les Ponts Couverts servaient à protéger les accès fluviaux de la Ville Libre de Strasbourg, celle-ci bénéficiait d’une large autonomie permettant l’établissement d’une douane propre. Ce point de passage obligé entre les riches villes alsaciennes situées en amont de l’Ill et le Rhin contribua à la prospérité commerciale de Strasbourg au Moyen-âge.
Derrière les ponts, la rivière se divise en quatre bras (Zornmühle, Disenmühle, Spitzmühle, ainsi que le canal de navigation) où l’on peut encore apercevoir les moulins à eau, des barrages et des écluses. Le mot allemand « mühle » signifie « moulin » et rappelle que les voisins des tanneurs de la Petite France étaient les meuniers.
Un peu plus au Sud, le Barrage Vauban est un des seuls édifices qui nous soit resté de l’ancienne enceinte construite autour de la ville vers 1690 par Tarade d’après les plans de l’ingénieur militaire Vauban.
L’édifice, aussi appelé « Grande Ecluse », s’étend sur la largeur de la rivière, en face des Ponts Couverts. Au sommet du bâtiment a été aménagé une terrasse panoramique de laquelle on peut apprécier une vue splendide sur le quartier de la Petite France, ses canaux, les deux clochers de la singulière église Saint Pierre le Vieux (un clocher pour chaque religion – protestante et catholique) et la cathédrale en arrière plan.
En sortant sur le côté Ouest du Barrage Vauban, on découvre le bâtiment du Musée d’Art moderne et contemporain, réalisé par Adrien Fainsilber en 1998. Plusieurs œuvres y sont exposées, notamment celles de Monet, Gauguin, Vlaminck, Dufy, Gustave Doré, Picasso, Richier ou Buren. Le musée retrace l’histoire de l’art moderne depuis les années 1850 jusqu’à nos jours, en passant par les impressionnistes, les constructivistes ou encore le fauvisme et l’expressionnisme.
A ses côtés, l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) est chargée d’assurer la sélection et la formation initiale et continue de hauts fonctionnaires français et internationaux. Initialement située à Paris, la prestigieuse école fut délocalisée à Strasbourg au début des années 1990. L’ENA a emménagé dans un ancien édifice du 14e siècle, la commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Plusieurs présidents, premiers ministres et ministres de la Ve République furent d’anciens « énarques » (nom attribué à ses étudiants).
A quelques mètres au Nord de la Petite France, la Tour du Bourreau (Henckerturm) avait mauvaise réputation au Moyen-âge car c’était là que le bourreau s’acharnait sur les pauvres victimes que les instances de la ville avaient jugées bon de soumettre à « la question ». L’une des spécialités locale était le supplice du Stockhus, un instrument en forme de presse dans lequel on enfermait les pieds des condamnés.
La légende locale relate encore l’histoire invraisemblable du bourreau torturé ! En 1565, le bourreau de la ville, Sébastien Rosenkrantz, fut arrêté pour avoir soutenu et recueilli un petit groupe de malfrats auxquels il enseignait les mauvais coups à faire. La sanction fut à la hauteur de sa fonction et, après avoir été torturé, il fut exécuté, et sa compagne fouettée en public et banni définitivement de la ville.
A une centaine de mètres toujours au Nord, se dresse l’église Saint-Pierre-le-Vieux. Il ne s’agit pas d’une, mais de deux églises juxtaposées l’une sur l’autre. Ses deux clochers insolites marquent le paysage religieux dont a hérité Strasbourg, ville abritant deux confessions : l’une protestante et l’autre catholique.
Une première église fut édifiée dans le style gothique en 1389 et devint en 1529 l’une des sept paroisses protestantes luthériennes de la ville. En 1683, l’église redevint catholique et en 1867, devant l’augmentation du nombre de fidèles, la construction d’un deuxième édifice perpendiculaire à la première église fut décidée.
De l’autre côté, l’église juxtaposée Saint-Pierre le Vieux et son clocher du 19e siècle © French Moments
On peut revenir vers la Place Gutenberg en marchant le long de la Grand’Rue, un axe agréable et piétonnier bordé de petites boutiques. Ses maisons datent du 16e au 18e siècle.
Notre visite de la vieille ville de Strasbourg se terminera autour des Places Gutenberg, Kléber et Broglie (lisez-le en cliquant ici). Vous pouvez lire notre premier bulletin sur la Grande Ile de Strasbourg en cliquant ici.
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