Cette semaine, nos étudiants de français à Sydney se sont penchés sur le thème des cités en France. Nous avons parlé de la politique d’aménagement urbain des années 1950, en prenant exemple sur le cas du grand ensemble du Haut-du-Lièvre à Nancy, en Lorraine.
Le Haut du Lièvre est un quartier de Nancy (Lorraine) situé au nord de la ville. Il est relativement excentré par rapport au reste de la ville, notamment par sa situation géographique : en effet, Nancy étant construite d’une cuvette, ce quartier se situe sur le plateau. Les années 1960 ont été décisives pour Nancy, marquant une transformation urbaine sans précédent avec la construction de nouveaux ensembles en banlieue et au centre-ville. Sur le plateau du Haut-du-Lièvre surplombant la ville, une véritable ville-immeuble a été dessinée afin de dynamiser la ville de Nancy.
Un projet titanesque
En pleine période du « Baby Boom », la ville de Nancy a été confrontée à des problèmes partagés par d’autres grandes villes de France : du fait d’un exode rural important, la ville a attiré des milliers de gens qui ont dû être logés. Les logements du centre-ville étant à l’époque pour la plupart insalubres, la solution trouvée était de développer l’offre immobilière en banlieue.
Le Maire de l’époque, Raymond Pinchard, a travaillé à une politique de logement et s’est engagé – avec le concours de l’Etat – à la construction du grand ensemble du Haut-du-Lièvre.
Dès 1956, la municipalité a prévu un développement urbain dans cette zone jusqu’à présent épargnée par l’urbanisation. Il s’agissait de proposer 3 388 logements dont 2 797 sociaux et 420 pour le logement des fonctionnaires, mais aussi un quartier pavillonnaire, deux centres commerciaux (de 2 050 m2 et 3 380 m2), 4 groupes scolaires, un centre paroissial (de Dominique Louis et Jean Nouvel, aujourd’hui labellisé « Patrimoine du XXe siècle »), ainsi que des équipements sportifs et culturels.
Un grand ensemble spectaculaire sort de terre
Bernard Zehrfuss a été chargé du projet le 9 décembre 1957 et la première pierre a été posée en mars 1958. L’architecte du Palais de l’UNESCO à Paris souhaitait construire une immense barre frontale parallèle à la côte, dominant l’agglomération nancéienne.
Ce grand ensemble est spectaculaire : il est constitué de deux barres géantes : le Cèdre bleu (400 mètres, 15 niveaux, 917 logements) et le Tilleul argenté (300 mètres, 17 niveaux, 716 logements). La presse locale parle alors des « plus longues barres d’Europe » ; il s’agit néanmoins et encore des plus longues de France. Ces barres sont complétées par trois tours en étoile aux extrémités, ainsi que de la tour panoramique. Cette dernière, baptisée « les Aulnes » a été achevée en 1971 et est devenue le plus haut immeuble de Lorraine à 96 mètres de hauteur.
Pendant la construction, le procédé de préfabrication Estiot a été mis en œuvre grâce à une usine installée sur place pour l’occasion. Cette industrialisation massive de la construction et l’utilisation du chemin de grue (grue posée sur un rail) ont permis des économies substantielles. Le résultat est époustouflant de rigueur !
Beaucoup de Nancéens se sont offusqués à la vue de l’extrême complexité de cet enchevêtrement de lignes droites, qui semblait tout droit sorti des cités soviétiques. Pire encore, les « affreuses barres », jugées parfois comme une véritable pollution visuelle, peuvent se voir de presque tous les quartiers de la ville, notamment de la superbe Place Stanislas.
L’arrivée des nouveaux habitants
Dès 1959, les nouveaux habitants ont occupé les appartements neufs ; ils ont été plus de 16 000 occupants en 1966. A l’instar d’autres quartiers similaires en France (La Duchère à Lyon par exemple), les premiers habitants ont plutôt été des familles relativement aisées ou des étudiants, heureux de pouvoir se loger dans des appartements ultra modernes. Mais dès 1965, de nouveaux habitants défavorisés, issus des quartiers vétustes du centre-ville, y ont été relogés. De 1965 à 1975, le centre-ville de Nancy a subi un difficile bouleversement urbain avec la destruction d’immeubles entiers autour de la gare et de l’église Saint-Sébastien pour faire place à un centre commercial à la Westfield.
Le quartier moderne construit dans les années 1970 autour de l’église Saint Sébastien à Nancy © French Moments
Dans les années 1970, la situation s’est encore aggravée avec l’apparition de la délinquance. Le quartier s’est dépeuplé (plus de 800 logements étaient vides d’occupants), les Français souhaitant accéder à la propriété.
Des réhabilitations nécessaires
A partir de 1981 une réhabilitation du quartier a été menée avec l’amélioration des conditions de vie des habitants, une plus grand offre d’emplois, et la création d’une mairie-annexe, d’un bureau de poste et d’un commissariat.
En 2010, après plus de 30 ans, une nouvelle réhabilitation qui a déjà permis la destruction de la plus longue barre de France : le Cèdre Bleu est nécessaire.
POINT DE VOCABULAIRE : autour d’une HLM
-
HLM : habitations à loyers modérés.
-
ZUP : zone à urbaniser en priorité.
-
Grand Ensemble : ensembles de logement collectif en nombre important.
-
Cité : zone urbaine ou grand ensemble créé en France dans les années 60.
-
Banlieues : quartiers pauvres et par conséquent souvent difficiles.
-
Bloc : immeuble dans une ZUP.